Retour vers le futur antérieur
Le temps joue contre nous, il fuit, s’écoule malgré nous. Tel l’eau d’une rivière qui ne remonte pas à la source, le temps file, on ne peut sauter, bondir dans le futur, encore moins y retourner. Pas de chronomètre, le temps n’existe pas. Le passé ne peut être refait, le présent fuit et devient le passé. En fait, le passé est un futur périmé. Que faire alors avec le futur avant qu’il ne devienne obsolète ? Le futur est le temps préféré des procrastinateurs, ils y jettent de jour en jour les rebuts de la négligence. Les prêcheurs, les prophètes, les oiseaux de malheur, les «think tank», les incapables du moment, les historiens du futur, les futurologues, les politiciens, entre autres, se vautrent littéralement dans le futur. Sans actifs à leur compte, ils présentent le futur comme une réalité. Les politiciens conjuguent au futur en campagne électorale, une promesse n’attend pas l’autre. Après l’élection, tous se tournent vers un passé quelconque, y cherchant les restes d’un futur glorieux ou pitoyable. Conclusion désarmante, notre passé est bien révolu, nos échecs aux oubliettes, notre futur de plus en plus encombré par des promesses ou pire des visions fabulées. Notre passé constellé d’échecs ne laisse pas présager un futur lumineux. Pourtant, si vous fréquentez les réseaux sociaux, vous ne voyez que du jovialisme, du pétage de bretelles, de l’excitation venant du milieu de la santé. Si vous sortez de ce cercle aveugle, dans la rue, dans le bruit du jour, vous ne constatez que désarroi, urgences bloquées, listes qui s’allongent. Comment expliquer ce décalage entre l’autocongratulation endémique et la qualité des services rendus ? Rien de plus simple, ces jovialistes s’activent pour le futur. «Ça va bien aller !» Expression célèbre maintenant, reprise à toutes les sauces. Le ministre l’a dit en réponse aux problèmes (actuels) des urgences, dans 8 ans avec Epic, on aura toutes les solutions. Urgent, c’est 8 ans. Depuis 2011, Optilab a été créé par des jovialistes, mais 13 ans plus tard, on voit que la technologie était futuriste. Le futur devrait emprunter le passé, le futur antérieur. Pour paraphraser un célèbre commentateur, on dirait : «Dans 10 ans, j’aurai terminé quand ce sera fini.» Vivement que l’on se procure des DeLorean pour enfin atteindre ce futur verdoyant, où tous les logiciels fonctionnent sans emmerder les infirmières et les médecins. Sans oublier tous les logiciels dont on ne sait pas encore qu’ils nous manquent.
– Jacques Gagnon, ing. Président directeur général d’Imagem